• 4 octobre 2023 19h43

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Coup d’État au Gabon : tout ce que l’on sait sur la situation

ByECHOS DU MONDE

Août 30, 2023

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le président Ali Bongo appelle l’ensemble de ses « amis » à « faire du bruit » à propos « des gens qui [l]’ont arrêté ».

Un coup d’État est en cours au Gabon ce mercredi 30 août. Attendus depuis plusieurs jours, les résultats des élections présidentielles organisées samedi 26 août étaient tombés au milieu de la nuit de mardi à mercredi : le président, Ali Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 14 ans, obtenait un troisième mandat avec 64,27 % des suffrages exprimés, annonçait le président du Centre gabonais des élections (CGE), Michel Stéphane Bonda, à l’antenne de la télévision d’État Gabon 1re. Le principal rival de Bongo, Albert Ondo Ossa , ne recueillait que 30,77 % des voix.

Mais au petit matin, un groupe d’une douzaine de militaires gabonais a pris la parole sur la chaîne de télévision Gabon 24 abritée au sein de la présidence, pour lire un communiqué. Parmi les militaires présents figuraient des membres de la Garde républicaine (GR), la garde prétorienne de la présidence, reconnaissables à leurs bérets verts, ainsi que des soldats de l’armée régulière et des policiers. Voici tout ce que l’on sait de la situation.

Un communiqué lu par des militaires gabonais à la télévision

Les militaires apparus à la télévision gabonaise ont lu un communiqué dans lequel ils ont annoncé la dissolution de « toutes les institutions de la République ». Après avoir constaté « une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale risquant de conduire le pays au chaos […] nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », a déclaré un de ces militaires, disant s’exprimer au nom d’un « comité de transition et de restauration des institutions ». « À cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés », a-t-il ajouté.

« Toutes les institutions de la République sont dissoutes, le gouvernement, le Sénat, l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle. Nous appelons la population au calme et à la sérénité et nous réaffirmons notre attachement au respect des engagements du Gabon à l’égard de la communauté internationale », a-t-il poursuivi, annonçant aussi la fermeture des frontières du pays « jusqu’à nouvel ordre ».

Parmi les militaires figuraient des membres de la garde républicaine (GR), garde prétorienne de la présidence reconnaissable à ses bérets verts, ainsi que des soldats de l’armée régulière et des policiers. Les militaires ont notamment estimé que l’organisation des élections n’avait « pas rempli les conditions d’un scrutin transparent » et ont dénoncé « une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos ».

Ils ont annoncé la dissolution de toutes les institutions du pays et la fermeture des frontières du Gabon « jusqu’à nouvel ordre ».

Le président Ali Bongo, en résidence surveillée, apparaît dans une vidéo

Selon les militaires putschistes, le président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, est « en résidence surveillée » entouré de sa famille et de ses médecins et l’un de ses fils a été arrêté, notamment pour « haute trahison ».

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le président appelle « tous » ses « amis » à « faire du bruit ». On l’y voit, sans pouvoir déterminer le moment où la vidéo a été tournée, assis dans un fauteuil et manifestement inquiet. « Je suis Ali Bongo Ondimba, président du Gabon […] j’envoie un message à tous nos amis dans le monde entier pour leur dire de faire du bruit [à propos] des gens qui m’ont arrêté, moi et ma famille », dit en anglais Ali Bongo, 64 ans, qui dirige le Gabon depuis plus de quatorze ans et avait été proclamé, quelques instants avant le putsch, vainqueur de l’élection de samedi.

Il a été « mis à la retraite », a affirmé au journal Le Monde le chef de la garde républicaine, un des acteurs du coup d’État militaire, le général Brice Oligui Nguema. Ali Bongo « jouit de tous ses droits. C’est un Gabonais normal, comme tout le monde. Il n’avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d’élection lui-même n’était pas bon. Donc l’armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités ».

Sept proches du président arrêtés

Outre le fils du président, six autres hauts responsables du régime ont été arrêtés. Il s’agit du directeur de cabinet d’Ali Bongo et son directeur adjoint, des conseillers de la présidence, ainsi que les numéros un et deux du tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG). Les sept hommes arrêtés par les putschistes incarnent la « jeune garde » qui formait un groupe de très proches et influents conseillers du chef de l’État depuis le retour d’une longue convalescence du président à la suite d’un AVC en 2018.

Pendant ce temps-là, le général Brice Oligui Nguema, chef de la garde républicaine, garde prétorienne du président déchu Ali Bongo Ondimba, a été porté en triomphe mercredi par des centaines de militaires, aux cris de « Oligui président », dans des images retransmises par la télévision d’État.

Des tirs entendus à Libreville

Dans la matinée, des journalistes de l’AFP ont entendu des tirs d’armes automatiques à Libreville. Quelques heures plus tard, le réseau Internet a été rétabli dans le pays trois jours après avoir été coupé par le gouvernement, qui invoquait des risques de violences le jour de la présidentielle, a constaté mercredi un journaliste de l’AFP.

Des fraudes dénoncées par Albert Ondo Ossa

Albert Ondo Ossa avait dénoncé des « fraudes orchestrées par le camp Bongo » deux heures avant la clôture du scrutin samedi, et revendiquait alors la victoire. Son camp exhortait lundi 28 août Ali Bongo à « organiser, sans effusion de sang, la passation du pouvoir » sur la base d’un comptage effectué selon lui par ses propres scrutateurs, et sans produire de document à l’appui.

L’Union africaine « condamne » la tentative de coup d’État

Le président de la Commission de l’Union africaine (UA) « condamne fermement la tentative de coup d’État » au Gabon, dénonçant « une violation flagrante » des principes de l’organisation continentale, dans un communiqué publié ce mercredi. Moussa Faki Mahamat « appelle l’armée nationale et les forces de sécurité à s’en tenir strictement à leur vocation républicaine, à garantir l’intégrité physique du président de la République [Ali Bongo Ondimba], des membres de sa famille, ainsi que de ceux de son gouvernement ».

« Moussa Faki suit avec une grande inquiétude la situation en République gabonaise et condamne fermement la tentative de coup d’État [dans le] pays comme voie de solution de sa crise post-électorale actuelle », selon le communiqué de l’UA. « Il rappelle avec force qu’elle constitue une violation flagrante des instruments juridiques et politiques de l’Union africaine, dont la Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance ».

Le groupe minier français Eramet « à l’arrêt »

Les activités du groupe minier français Eramet ont été « mises à l’arrêt », a déclaré mercredi la société à l’AFP. Le groupe « suit » la situation pour « protéger la sécurité de (son) personnel et l’intégrité de (ses) installations », a-t-il précisé. Eramet emploie quelque 8 000 personnes dans le pays, majoritairement gabonaises. Cette annonce faisait chuter l’action d’Eramet à la Bourse de Paris, qui perdait 18,83 % à 61,85 euros vers 9 h 55.

Le groupe est présent au Gabon à travers deux filiales. La compagnie Comilog (la compagnie minière de l’Ogooué) est spécialisée dans l’extraction de manganèse, minerai dont Eramet est le deuxième producteur mondial à haute teneur. Setrag (la Société d’exploitation du transgabonais), la deuxième filiale du groupe français, assure l’exploitation ferroviaire de la ligne qui relie la côte atlantique au sud-est du pays riche en minerais à travers la forêt équatoriale du Gabon.

La France suit la situation « avec la plus grande attention »

Devant les ambassadrices et ambassadeurs de France réunis à Paris, la cheffe du gouvernement français Élisabeth Borne a énuméré plusieurs crises récentes auxquelles la diplomatie française a été confrontée, « et désormais la situation au Gabon que nous suivons avec la plus grande attention ».

« La France condamne le coup d’État militaire qui est en cours au Gabon », a aussi fait savoir le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Sur place, l’ambassade de France au Gabon a appelé les Français à « rester à domicile », « se tenir informé de la situation » et à « observer la plus grande vigilance » en respectant les consignes de sécurité données par l’ambassade.

De son côté, le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a accusé mercredi Emmanuel Macron d’avoir « encore une fois compromis la France dans un soutien jusqu’au bout à l’insupportable », avec son appui au président gabonais Ali Bongo. Il a affirmé dans un message sur X (ex-Twitter) qu’« aucune alerte n’aura été entendue ».

La Chine appelle à « garantir la sécurité » du président Bongo

Pékin a appelé « les parties concernées » au Gabon à « garantir la sécurité » du président Ali Bongo, après le coup d’État militaire. « La Chine suit de près l’évolution de la situation au Gabon et appelle les parties concernées à agir dans l’intérêt du peuple gabonais […], au retour immédiat à l’ordre normal, et à garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo », a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. De son côté, la Russie s’est dite « très préoccupée » par la situation et suivre « de près ce qui s’y passe ».

La situation est « profondément préoccupante » pour le Commonwealth

« Les informations concernant la prise de pouvoir illégale au Gabon sont profondément préoccupantes », a estimé la secrétaire générale du Commonwealth, Patricia Scotland, dans un communiqué. Elle a rappelé que les membres du Commonwealth, organisation composée surtout d’anciennes colonies britanniques que le pays d’Afrique centrale a rejointe l’année dernière, devaient respecter « l’État de droit et les principes de démocratie ».

L’Italie « engagée » pour une solution diplomatique

Opposée à une intervention militaire, l’Italie a appelé mercredi à une « solution diplomatique » au Gabon. « L’Italie continue à être engagée en faveur d’une solution diplomatique […] au Gabon, en étroite coordination avec ses partenaires », a déclaré le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani dans un communiqué.

« Il est fondamental que les pays européens maintiennent une pleine unité d’intention dans la recherche d’une issue pacifique qui assure paix et stabilité à l’entière région du Sahel », a-t-il ajouté.

AFP

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